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Julian Jappert et Sylvain Landa, du think tank "Sport et Citoyenneté"
Les valeurs du sport, si elles existent, sont entre les mains de nos enfants !
| 28.03.11 Le Monde
ANALYSE : TROIS AXES
trois parties / du tableau synoptique au plan détaillé
# le sport comme pratique : activité, organisation, institution
# le sport comme objet de discours et vecteur de valeurs
# le sport comme mise en scène et spectacle
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Dépassement, respect de soi, de l'adversaire, des règles du jeu, solidarité, esprit d'équipe, goût de l'effort… les valeurs attachées au sport et à la pratique sportive sont assez faciles à identifier tant celles-ci sont régulièrement proclamées par une multitude d'acteurs (mouvement sportif, pouvoirs publics, associations, entreprises…), avec souvent des intentions bien diverses. Cette vision que le sport véhiculerait, en soi, des valeurs qui lui sont propres remonte aux origines mêmes du sport et repose sur une idéologie de type consensuelle, celle d'une activité isolée des influences du milieu dans lequel elle se déroule et porteuse d'un message humaniste, dont l'Olympisme coubertinien est l'exemple le plus parlant. Ce faisant, le sport serait un vecteur efficace d'éducation et d'éveil à la citoyenneté, un outil à fort impact social.
A cette vision humaniste s'oppose une doctrine plus critique, qui voit le sport comme un miroir de la société, et donc des valeurs dominantes de son époque. Aujourd'hui, la compétition, la recherche de la performance, l'individualisme, les objectifs économiques ou politiques caractériseraient mieux le sport, en particulier le sport professionnel.
Alors, où placer le curseur ? La pluralité des valeurs attachées au sport, selon l'angle où l'on se place, est le signe de leur relativité et de leur possible instrumentalisation. Le sport est un domaine d'étude particulièrement intéressant à une époque où la société semble en perte de repères et où elle s'interroge sur les valeurs qu'elle souhaite voir prévaloir dans le futur. Celles et ceux qui définissent ces valeurs du sport ont un pouvoir énorme.
C'est pourquoi on ne peut le laisser entre les mains des seuls leaders d'opinion et qu'il convient que chaque sportif, chaque amoureux du sport participe au débat et puisse définir et réaliser les valeurs auxquelles il croit. Cela implique de mener une véritable réflexion sur ce sujet afin de mesurer la portée sociale du sport et bâtir ainsi une politique sportive fidèle à la représentation qu'ont les citoyens de cette activité humaine.
Ces réflexions nous amènent tout de même à prendre quelques positions. La première est que le sport n'a pas de valeurs spécifiques mais qu'il peut venir en renfort ou en substitution aux valeurs que l'on devrait retrouver dans l'école, la famille, l'entreprise, la religion… Cela induit à considérer les politiques actuelles d'intégration et d'éducation par le sport, en particulier l'identification de bonnes pratiques et la redistribution de subsides par certains organismes, comme partiellement infondées et parfois inefficaces.
La seconde est incontestablement le constat que les valeurs proclamées ne sont pas toujours respectées et qu'elles donnent lieu parfois à de profondes dérives : discours et attitudes belliqueuses, corruption, dopage, nationalisme, inégalité entre les genres… L'éducation à la citoyenneté par le sport se fonde ainsi parfois sur des valeurs qui sont les mêmes que celles qui entraînent une certaine forme d'exclusion (lorsqu'elles sont liées, par exemple, à la performance).
L'enseignement du sport en particulier à l'école prend alors toute sa place. Rêvons d'une société où les éducateurs et professeurs d'EPS transmettent à nos enfants les outils pour être des adultes responsables et respectueux, des citoyens engagés. Remettons les valeurs du sport au cœur de l'innocence morale de nos enfants.
Enfin, incitons les médias à garder un niveau d'exigence envers le sport et sa signification profonde. Ils courent sinon le risque de ne devenir qu'un simple intermédiaire dans cette nouvelle ère, où la commercialisation mondiale du sport semble être la règle. Cela pourrait peut-être permettre à nos enfants de garder du recul face à leurs idoles (une minorité de sportifs, la plus médiatisée) souvent symbole d'inculture, d'absence de conscience civique et d'éducation. Notre société ne mérite-t-elle pas mieux que des icones ayant des centres d'intérêt limités à l'argent, l'apparence et quelques autres vices… ? Alors nous pourrons continuer de croire que le sport peut, à sa juste valeur, participer à créer une société saine, pacifique et harmonieuse.
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