Evidemment, Jacques Tati savait que le sport contenait sa dose de gags. L’ancien rugbyman du Racing n’a pas d’équivalent pour puiser dans la geste sportive afin de nourrir d’abord ses sketchs, puis ses films. Sans qu’il n’ait eu rien à faire sinon balader son regard “Tatiesque” sur une événement alors d’importance, la finale aller de la coupe de l’Uefa en 1978 opposant Bastia au PSV Eindhoven à Furiani, il va (je reprends les critiques) inventer le documentaire comique.
Tati avec trois opérateurs va capter la “furia” bastiaise qui elle aussi, ne manque pas de ressorts comiques. Le grand Jacques, qui réalise-là une commande à l’invitation de Gilbert Trigano, ne sait sans doute pas qu’il va être aussi bien servi par ses personnages (les habitants de Bastia) que par la météo qui va lui offrir un scénario cocasse. En effet, outre les déguisements, trompettes, revolver exhibé, pétards, resquilleurs, bref ce carnaval de rue qui emmène le spectateur jusqu’à Furiani, un orage va transformer la pelouse en rizière et là démarre “le ballet des balais”. Le terrain est impraticable à l’évidence mais, on le sait, à Bastia on ne renvoie pas les gens chez eux pour si peu. Donc on éponge, avec des seaux, des sacs de sable. On peint les lignes blanches à même la gadoue, on fait patienter le public qui sous la douche reste chaud comme la braise.
Ce documentaire formidable qui était projeté hier à la Cinémathèque de Bercy l’est à plus d’un titre. Bien sûr, il y a ce qui intéresse Tati, le grouillement, les absurdités humaines, et d’un autre côté il y a ce qui échappe à Tati, parce que ça ne peux pas l’intéresser alors. Plus de trente ans après cette affreuse partie de water-polo, il est inévitable pour ceux qui l’ont vécu, de ne pas penser au drame de Furiani du 5 mai 1992. Ce Bastia-Marseille de coupe de France qui n’aurait pas dû se tenir sur ce stade trop petit, trop vétuste. Déjà dans le film de Tati on voit des tribunes provisoires, on voit des gens sauter, on voit l’inconscience, des visages angoissés, le laxisme tous azimuts et à la fin les traces que laissent au sol les spectateurs évanouis. Cet amoncellement d’objets hétéroclites sans vie après tout ce tintouin, cette comédie de sport, cette cours des miracles. Et puis c’est la fin du film. Sans doute la fin d’une innocence, avant que Bastia ne se normalise, après avoir poussé sa folie au paroxysme de la violence.
Jacques Tati n’aimait pas les images de son film et ne voulut pas le montrer; En 2000, Sophie Tatischeff monta les bobines qui dormaient. Bien heureusement, car dans ces prises qui deviennent documentaire aussi grâce à l’histoire à suivre du club, Jacques Tati prouve qu’il était un excellent reporter. C’est peut-être cela qui ne lui plaisait pas dans ce travail. Pas assez subjectif, pas assez ironique, pas assez de recul pour le grand cinéaste. Ici, le réel est étrangement plus questionnant que le facteur qui double des cyclistes professionnels en sifflotant. Le temps et le devenir du club de Bastia a rehaussé son film au rang de grand document, ce qui suffit à justifier aujourd’hui amplement l’ existence de ce “Forza Bastia”
Olivier Villepreux
Pour voir le film “Forza Bastia” sur le net taper:
http://video.google.fr/videoplay?docid=-6786655406535278584
Il vaut mieux le voir en salle, la qualité de l’image n’est pas bonne.
http://video.google.fr/videoplay?docid=-6786655406535278584
Il vaut mieux le voir en salle, la qualité de l’image n’est pas bonne.
Extrait de l'excellent blog Contrepied, avril 2009.
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