lundi 23 juin 2014

10 révolutions qui vont changer notre vie




Les 10 révolutions qui vont changer notre vie

Le Figaro magazine, publié le 08/02/2013, par C. Doré

La nouvelle a fait le tour de la planète. Mais qui s'en souvient? C'était le 20 mai 2010. Craig Venter, scientifique américain iconoclaste, annonçait une nouvelle incroyable dans la revue de référence Science. Il venait de créer la première cellule synthétique. La Terre abritait dorénavant un organisme vivant d'un genre nouveau, créé par l'homme et non issu de l'évolution des espèces.

A l'instar de Craig Venter, scientifiques et ingénieurs s'appliquent très sérieusement à changer le monde en fabriquant de nouveaux aliments ou des cœurs bioélectroniques, des avions pour visiter l'espace et des maisons sous-marines, des vitres produisant de l'électricité ou des robots domestiques.
On croit voguer en pleine science-fiction, mais ces innovations en devenir n'ont rien d'élucubrations d'hurluberlus échappés de l'asile. Beaucoup d'entre elles vont indéniablement chambouler notre quotidien, améliorer notre santé, étoffer la gamme de nos loisirs et modifier notre façon de travailler.
Une découverte fondamentale, celle du Pr Shinya Yamanaka, qui a reçu le prix Nobel de médecine en 2012, aura, par exemple, des répercussions considérables dans les prochaines années: d'une cellule adulte différenciée - une cellule de peau par exemple -, le Pr Yamanaka a fait une cellule souche, similaire à celles que l'on trouve au stade embryonnaire. Non seulement il n'est plus nécessaire de travailler sur des embryons humains, ce qui posait des problèmes d'éthique, mais sa découverte ouvre la porte à toutes les «reprogrammations» de cellule possibles. 

Il en va de même des nanotechnologies, c'est-à-dire de toutes les technologies qui développent des propriétés spécifiques à l'échelle du nanomètre. Elles vont permettre d'étranges miracles: construire, améliorer ou réparer quasiment tout, d'un vêtement à un immeuble et même au corps humain. Des milliards d'euros sont injectés dans les nanotechnologies développées aujourd'hui aussi bien en biologie, en chimie, en optique qu'en électronique. C'est du sérieux donc. Concrètement, qu'est-ce que cela va changer? L'émergence de nouveaux objets, de nouvelles énergies, de nouveaux modes de production… Demain, nos vêtements seront capables d'analyser notre état physique (qualité musculaire, fièvre…) ou de produire de l'électricité avec la chaleur du corps grâce à des nanotubes de carbone.
Et tout cela va très vite. Récompensés en 2010 par un prix Nobel de physique, les inventeurs du graphène, surnommé le «matériau miracle», voient déjà des applications concrètes à leur découverte, comme des écrans souples hyper résistants. Selon le prix Nobel français Albert Fert, le graphène va imposer une révolution dans l'informatique. Allié à la spintronique, il ouvre la voie à des ordinateurs quantiques surpuissants de la taille d'une puce. Cette mutation est déjà en marche, elle aussi. Elle concernera tous les outils nés de la révolution informatique, ordinateurs, smartphones ou tablettes qui ont conquis notre quotidien... En moins d'une génération.

1 - MÉDECINE: la bio-révolution

Fin d'Alzheimer, «biorobot» contre le cancer, sang artificiel… La nouvelle médecine repousse les limites. D'ici à quelques années, nous connaîtrons beaucoup mieux notre génome. Certains tests existent déjà. Ils permettent de détecter les prédispositions à certaines maladies. Mais on ira plus loin. Un dépistage génétique et régulier des cancers se fera par simple prise de sang. Des expérimentations réussies ont déjà eu lieu en laboratoire. Des plates-formes portables vont permettre à chacun d'entre nous de diagnostiquer une quinzaine de pathologies (diabète, pneumonie, déficit en calcium, apnée du sommeil, etc.). 

La connaissance des fragilités génétiques des patients va permettre non seulement d'anticiper les risques de maladies, mais aussi d'intervenir pour corriger ou remplacer ce qui ne fonctionne pas ou serait susceptible de ne plus fonctionner dans chacun de nos organismes. Et on ne parle pas ici de médecine fiction: des scientifiques savent déjà fabriquer de la peau à partir de cellules modifiées. Le Pr Wayne Morrison, de Melbourne, a reconstruit un muscle cardiaque avec des cellules souches embryonnaires. Le Pr Douay, à Paris, s'applique à fabriquer du sang artificiel, et une équipe américaine a redonné la vue à une souris aveugle, grâce à une rétine artificielle qu'elle espère tester prochainement sur l'homme. D'autres équipes réalisent des essais cliniques à partir de cellules souches pour traiter des maladies orphelines, des lésions de la moelle épinière ou des pathologies cardio-vasculaires. Mais les difficultés techniques ne sont pas à minimiser: elles peuvent ajouter parfois cinq à dix ans d'attente avant d'espérer une application généralisée.

 «Pour la santé et la lutte contre le vieillissement, les enjeux sont pleins d'espérance», se félicite le futurologue Joël de Rosnay.  Cette nouvelle médecine aura des conséquences sociales, économiques et politiques bien plus vertigineuses que l'éventualité de repousser ou pas le départ à la retraite de quelques années. Sans parler d'immortalité, la longévité va continuer à s'accroître. C'est ce qu'il va falloir apprendre à gérer.

2 - TRANSPORT: prochain arrêt, l'espace

Par les hublots posés sur le toit du jet, les quatre passagers admirent le ciel. L'avion spatial de la société française Astrium a atteint l'altitude de douze kilomètres en une demi-heure. Confortablement installés dans les sièges-coques fixés à un système pendulaire et imaginés par le concepteur australien Marc Newson, ces voyageurs d'un nouveau genre vérifient une dernière fois leur casque. Dans quelques secondes, les deux moteurs à réaction du jet de 20 tonnes vont s'effacer devant le puissant moteur-fusée inspiré de la technologie Vulcain, le moteur d'Ariane 5. Subitement, l'avion se cabre. Commencent 90 secondes d'ascension verticale à 3000 km/h. La poussée est vertigineuse mais parfaitement supportable pour une personne en bonne santé. Les passagers prennent alors conscience du caractère exceptionnel du voyage qu'ils viennent d'entreprendre.

A soixante kilomètres à la verticale de la Terre, le moteur-fusée s'arrête. Le Jet Astrium glisse alors jusqu'à cent kilomètres d'altitude en profitant de sa poussée. Les passagers respirent, se détachent, testent leur aptitude à se déplacer en apesanteur, comme à l'entraînement. A travers la quinzaine de hublots qui percent le fuselage de l'avion spatial, le spectacle est sublime: la planète bleue glisse lentement pour leur dévoiler toute la diversité de ses océans et de ses continents. Un spectacle d'une poignée de minutes qui les marquera pour le reste de leur vie. Moyennant 200 000 euros pour chacun d'entre eux, tout de même.

L'avion de l'espace d'Astrium, filiale d'EADS, n'est pas le seul avion spatial en chantier aujourd'hui.. Ces projets, petits-enfants de la navette spatiale américaine, préfigurent deux évolutions majeures qui vont s'imposer dans les prochaines décennies. D'abord l'émergence d'un tourisme spatial, dont les premiers vols grand public sont attendus très prochainement (fin 2013-2014). Ensuite, dans une dizaine d'années minimum, la création de lignes commerciales ultrarapides entre quelques grandes cités de la planète, grâce à des vols suborbitaux filant à plus de 4 000 km/h. Ils mettront New York à une heure de Paris, Tokyo à deux heures... Dans ces «super Concorde», le prix des places sera aussi dans l'esprit du style de transport: astronomique!

3 - ÉNERGIE: le solaire brille toujours

En copiant la photosynthèse, des nouvelles cellules solaires vont produire de l'électricité sans ensoleillement direct.

Quand il réfléchit en se frottant le crâne, il a l'allure d'un adolescent. En janvier dernier, devant un parterre de 200 chercheurs réunis au sommet mondial des jeunes scientifiques de Singapour, Michael Grätzel était pourtant parfaitement crédible. Directeur du laboratoire de photonique à l'Ecole polytechnique de Lausanne, ce spécialiste de l'énergie solaire a reçu il y a deux ans le Millenium Technology Prize, un prix prestigieux remis à des inventeurs qui reçoivent au passage 800.000 euros pour poursuivre leurs travaux. Michael Grätzel a été récompensé pour une cellule solaire qui a l'avantage de produire de l'énergie grâce à un colorant naturel, en s'inspirant des propriétés de la photosynthèse. Elle coûte deux fois moins cher qu'une cellule photovoltaïque au silicium classique, s'intègre à des supports souples, peut être colorée et produit de l'énergie même sans ensoleillement direct. Autant dire que cette innovation donne un sérieux coup de vieux aux panneaux photovoltaïques compliqués à fabriquer, à installer, à recycler…

 Michael Grätzel n'est pas un doux rêveur. «La tâche la plus dure, c'est de développer des méthodes de production rentables», reconnaît le chercheur. Il a fallu douze ans pour faire de la «cellule Grätzel» un produit commercialisable! Mais l'énergie solaire, intarissable, reste une grande espérance des scientifiques.

A l'image de la cellule Grätzel, toute une génération de cellules photo-organiques est en train de naître. Récemment, une équipe de l'université de Californie a proposé des cellules biomimétiques (s'inspirant de phénomènes naturels) totalement transparentes. Leur taux de conversion de la lumière en électricité est encore faible, mais l'argument des chercheurs se tient: posées sur des vitres de maisons, de voitures et de trains, d'ordinateurs ou de téléphones portables, ces cellules vont répondre à nos usages quotidiens. Elles absorberont d'abord 10 % de notre consommation courante puis de plus en plus au fur et mesure de leur perfectionnement. Cette révolution discrète devrait nous emmener, dans trente ans et si on s'en donne les moyens, à une couverture quasi globale de nos besoins domestiques en électricité. C'est en tout cas ce que concluait Michael Grätzel, à Singapour, en janvier dernier, avant d'être applaudi longuement par les jeunes chercheurs qui l'écoutaient… Manifestement convaincus.

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