les acteurs / les formes
les facteurs
les discours
L'Express
du 12/07/2004
Victoire
grecque
Euro,
JO... Malgré l'argent, le dopage et les sponsors, le sport conserve
cette vertu rare qui fait son attrait : l'incertitude
Euro 2004, Tour de
France, Jeux olympiques d'Athènes, la planète se transforme, pour
quelques semaines, en un immense Barnum (-). Il n'est pas, aujourd'hui,
d'entreprise humaine plus mondialisée (MONDIALISATION) que le sport. Spectacle
accessible à tous, des plus riches aux plus pauvres (DEMOCRATISATION), grâce à ce
nouveau café du commerce qu'est la télévision, grand-messe des
émotions dont la liturgie est internationale, instrument idéal de
l'instantanéité de l'information, machine à fabriquer des vedettes
dont la popularité est sans frontières, il s'installe au centre de
notre vie quotidienne, de nos conversations et en devient l'une des
composantes structurantes. Un ordre du sport est en train de naître,
en phase avec le développement de la société du loisir, mais aussi
pour répondre au désenchantement du monde et y combler les déficits
de sacré et de religiosité (+) (1).
Pour autant,
contrairement à une idée reçue, il ne se substitue en rien à la
guerre: son émergence comme phénomène de masse s'est produite tout
au long du xxe siècle, alors que les hommes inventaient les plus
effroyables massacres. Cette expansion continue du sport repose sur
des mécanismes que l'on a parfaitement vus à l'œuvre dans l'Euro
2004. Le succès de la Grèce, dont l'équipe ne comprenait aucun
joueur coté au mercato,
ce «marché aux bestiaux (-) des joueurs de foot», démontre qu'aucune
hiérarchie n'est définitivement établie. Chacun a sa chance. Le
sport, comme l'écrit le sociologue Paul Yonnet, est le «spectacle
de la rivalité, et donc de l'égalité organisée». Il produit
aussi des héros (DRAMATISATION) dans un monde qui en consomme beaucoup et à toute
vitesse. Il constitue donc un facteur très puissant
d'IDENTIFICATION. Il encourage, certes, les explosions nationalistes,
mais il dégonfle ces bulles en même temps qu'il les fabrique (CATHARSIS ?): le
spectacle offert entretient l'intérêt au-delà des réflexes
cocardiers - le jeu triomphe des passions patriotiques - et la
performance devient plus importante que la couleur du maillot.
Ses effets de surprise
contribuent, enfin, à le régénérer en permanence. La victoire
grecque, quels que soient les débats techniques sur le style de
cette équipe, fait passer un vent de fraîcheur sur un monde du
ballon rond que l'on croyait dévoré par l'argent. Face à des stars
surdouées obsédées par leur carrière, l'esprit d'équipe, une
farouche volonté, la solidarité et l'abnégation peuvent
l'emporter. Les fameux Galactiques du Real Madrid, cette formation
constituée des plus grands talents du football mondial, en ont fait,
eux aussi, l'amère expérience, cette année, en perdant le
championnat d'Espagne. Malgré l'argent, le dopage et les sponsors,
le sport conserve cette vertu rare qui fait son attrait et son
esthétique: l'incertitude. Les Jeux olympiques qui vont se dérouler
à Athènes au mois d'août en apporteront, n'en doutons pas, une
nouvelle preuve.
(1)
Sur ce sujet, lire impérativement le remarquable ouvrage de Paul
Yonnet
Huit Leçons sur le sport,
publié en mars 2004 par les éditions Gallimard.
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