mardi 10 juillet 2012

les métamorphoses... l'analyse / l'exploitation de l'éditorial


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les discours
 
L'Express du 12/07/2004
Victoire grecque

Euro, JO... Malgré l'argent, le dopage et les sponsors, le sport conserve cette vertu rare qui fait son attrait : l'incertitude

Euro 2004, Tour de France, Jeux olympiques d'Athènes, la planète se transforme, pour quelques semaines, en un immense Barnum (-). Il n'est pas, aujourd'hui, d'entreprise humaine plus mondialisée (MONDIALISATION) que le sport. Spectacle accessible à tous, des plus riches aux plus pauvres (DEMOCRATISATION), grâce à ce nouveau café du commerce qu'est la télévision, grand-messe des émotions dont la liturgie est internationale, instrument idéal de l'instantanéité de l'information, machine à fabriquer des vedettes dont la popularité est sans frontières, il s'installe au centre de notre vie quotidienne, de nos conversations et en devient l'une des composantes structurantes. Un ordre du sport est en train de naître, en phase avec le développement de la société du loisir, mais aussi pour répondre au désenchantement du monde et y combler les déficits de sacré et de religiosité (+) (1).

Pour autant, contrairement à une idée reçue, il ne se substitue en rien à la guerre: son émergence comme phénomène de masse s'est produite tout au long du xxe siècle, alors que les hommes inventaient les plus effroyables massacres. Cette expansion continue du sport repose sur des mécanismes que l'on a parfaitement vus à l'œuvre dans l'Euro 2004. Le succès de la Grèce, dont l'équipe ne comprenait aucun joueur coté au mercato, ce «marché aux bestiaux (-) des joueurs de foot», démontre qu'aucune hiérarchie n'est définitivement établie. Chacun a sa chance. Le sport, comme l'écrit le sociologue Paul Yonnet, est le «spectacle de la rivalité, et donc de l'égalité organisée». Il produit aussi des héros (DRAMATISATION) dans un monde qui en consomme beaucoup et à toute vitesse. Il constitue donc un facteur très puissant d'IDENTIFICATION. Il encourage, certes, les explosions nationalistes, mais il dégonfle ces bulles en même temps qu'il les fabrique (CATHARSIS ?): le spectacle offert entretient l'intérêt au-delà des réflexes cocardiers - le jeu triomphe des passions patriotiques - et la performance devient plus importante que la couleur du maillot.

Ses effets de surprise contribuent, enfin, à le régénérer en permanence. La victoire grecque, quels que soient les débats techniques sur le style de cette équipe, fait passer un vent de fraîcheur sur un monde du ballon rond que l'on croyait dévoré par l'argent. Face à des stars surdouées obsédées par leur carrière, l'esprit d'équipe, une farouche volonté, la solidarité et l'abnégation peuvent l'emporter. Les fameux Galactiques du Real Madrid, cette formation constituée des plus grands talents du football mondial, en ont fait, eux aussi, l'amère expérience, cette année, en perdant le championnat d'Espagne. Malgré l'argent, le dopage et les sponsors, le sport conserve cette vertu rare qui fait son attrait et son esthétique: l'incertitude. Les Jeux olympiques qui vont se dérouler à Athènes au mois d'août en apporteront, n'en doutons pas, une nouvelle preuve.

(1) Sur ce sujet, lire impérativement le remarquable ouvrage de Paul Yonnet Huit Leçons sur le sport, publié en mars 2004 par les éditions Gallimard.

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