Loto : l'enfer des
gagnants
Publié le 04/03/2010 /
La dépêche du Midi
Qui n'a pas rêvé de
gagner un jour au loto, s'imaginant déjà au volant d'une Ferrari,
aux commandes d'un yacht aux Antilles ou propriétaire d'un château
de conte de fée ? Mais que sait-on vraiment de la vie de ceux qui
sont devenus soudainement millionnaires par la grâce du hasard et de
la Française des Jeux ? C'est pour répondre à cette question que
les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot ont
rencontré 30 gros gagnants qui ont empoché un jour plusieurs
millions d'euros. Dans leur livre, « Les millionnaires de la chance.
Rêve et réalité », les témoignages attestent que devenir riche
n'est parfois pas une sinécure. « Être perçu comme le riche n'est
pas de tout repos », résument les deux chercheurs, particulièrement
si l'on vient d'un milieu modeste. « En milieu populaire, cette
ouverture des possibles est anxiogène : la richesse inattendue offre
une multitude de potentialités dont on ne possède pas les clefs. Le
gagnant se trouve démuni devant une plus ou moins grande fortune :
il ne sait par quel bout la prendre. »
Après le coup de massue
reçu par celui qui vient d'apprendre son nouveau statut de
millionnaire, vient une période de désarroi et de questions.
L'accompagnement de la Française des Jeux est alors capital pour
surmonter le choc et se projeter dans l'avenir en apprenant à être
riche. Les groupes de paroles qui réunissent les gros gagnants,
parfois plusieurs années d'affilée, leur permettent de tenir le
coup. Dès lors, pas étonnant que les gagnants rencontrés par les
sociologues soient plutôt sages et ne succombent que très rarement
à quelques folies. Les millions servent davantage à assurer
l'avenir familial et parfois réaliser un rêve de toujours. Même si
leur vie a forcément changé, certains gros gagnants renouent avec
leur vie simple d'avant pour retrouver par exemple leurs collègues.
Comme quoi s'il y contribue, l'argent ne fait pas forcément le
bonheur…
Gagner soudainement une
somme importante qui efface les incertitudes matérielles peut
entraîner un réel et angoissant bouleversement. « Nous prenons en
charge les personnes qui gagnent des sommes d'au moins 1 million
d'euros », explique Brigitte Roth, responsable du service Relations
Gagnants de la FDJ, qui mobilise trois personnes à plein-temps. «
Nous avons une première mission lors de la remise du gain. Cette
première étape, qui consiste en une cérémonie suivie d'un
déjeuner, permet d'échanger, de rassurer les gagnants, de mieux les
connaître. Après, nous leur proposons notre programme
d'accompagnement. Près de la moitié des gagnants suit ce programme
», explique la responsable. Outre la lecture d'un livret de
conseils, les gagnants ont la possibilité, s'ils le souhaitent, de
participer à des ateliers pédagogiques pour se familiariser avec
divers aspects de la fiscalité, la finance, le droit de la famille,
etc. Des groupes de paroles entre gagnants sont également organisés
par la Française des Jeux. Il y a une quinzaine de réunions par an.
« Quand on gagne, on est comme un créateur d'entreprise. On a
besoin d'information et de formation ; on a besoin d'être écouté
et de parler ; et on a besoin d'avoir un réseau relationnel »,
résume Brigitte Roth, qui garde parfois des relations avec « ses »
gagnants des années durant. « C'est un plaisir pour nous et pour
eux, qui jouent le rôle des parrains des nouveaux gagnants. C'est un
peu comme une amicale. »
Le point de vue de l'expert
Michel Pinçon est
sociologue. Avec son épouse Monique Pinçon-Charlot, ils viennent de
publier « Les millionnaires de la Chance. Rêve et réalité »
(Éditions Payot, 272 pages, 18,50€).
La Dépêche du Midi. -
Avez-vous trouvé des similitudes dans le parcours des 30 gagnants
que vous avez rencontrés ?
Michel Pinçon. - La
similitude forte, c'est une certaine déstabilisation à la nouvelle
du gain. Tous jouent pour gagner bien sûr ; cette éventualité a
été rêvée, fantasmée. Ils y ont pensé mais pas de façon
raisonnée. Quand cela arrive, ils sont pris de court. Quand ils
gagnent plusieurs millions d'euros, certains se trouvent mal, y
compris physiquement.
Le choc est
psychologiquement trop violent ?
Oui, il y a une sorte de
désarroi et la découverte de problèmes auxquels ils n'avaient pas
pensé. Comment on va faire ? À qui on va le dire ? Faut-il le dire
à la famille, aux collègues, aux enfants ?
D'où l'importance de
l'aide offerte par la Française des Jeux ?
Tout à fait. On est très
positif sur ce service et les gagnants que nous avons rencontrés
sont extrêmement reconnaissants à la Française des Jeux de les
réunir lors de ces ateliers-réflexion. Ils apprennent à gérer
leur richesse et ce qui est important, c'est qu'ils parlent entre
eux, c'est-à-dire à des gens qui connaissent les mêmes
difficultés. Ces lieux d'échange sont comme un cercle dans lequel
ils sont en confiance.
On a l'impression que les
gagnants veulent conserver une vie normale et sont très
raisonnables, ne font pas de folies.
C'est vrai. Hormis deux
cas où les gagnants ont complètement changé de vie parce que le
décalage devenait trop important avec leur vie d'avant, ce que l'on
constate, c'est que l'argent du gain permet aux gagnants de réaliser
une part importante de leur être. Le manque d'argent les empêchait
d'avancer. En général, les gagnants du loto placent leur argent de
façon prudente, ils ne flambent pas et ne font pas de folies.
Beaucoup montent d'ailleurs une petite entreprise et certains
reviennent dans leur travail.
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