mercredi 11 décembre 2013

Le Parrain 2, 7 questions autour d'Ellis Island

CGE / session 2014 / thème 2 / « cette part de rêve… »
apleguelte@aureis.fr

Le rêve américain, 1
Le Parrain II, F. F. Coppola, 1974
__________________________

  1. A qui appartient le rêve américain ?

  2. Comment sont accueillis les émigrants à Ellis Island? 
     
  3. Ellis Island et Liberty Island : symboles et mise en scène

  4. Quel est le prix à payer pour vivre le rêve américain ?

  5. Immigration, acculturation et melting pot.

  6. Le rêve américain, d’une génération à l’autre

  7. L’american way of life.

mercredi 6 novembre 2013

le rêve parisien, une introduction

synthèse
Paris (2), du rêve au mythe

Exemple de rédaction de l’introduction

Mobilisant des millions de touristes, le mythe parisien est toujours vivant et actif, et s’appuie sur une part de rêve soigneusement entretenue et mise en scène depuis des siècles. Balzac en fait le centre de sa Comédie Humaine, où, à en croire sa maîtresse Louise de Bargeton, tous les rêves de gloire et de fortune sont réalisables pour le jeune Lucien de Rubempré, même si le titre du roman, Illusions Perdues, laisse deviner un sombre dénouement. Pour cet autre jeune ambitieux, Georges Duroy, héros du roman de Maupassant Bel-Ami, il ne reste qu’à échapper au monde des songes éveillés et à se mettre au travail pour réaliser son rêve de conquête. Enfin, un article récent du quotidien anglais The Daily Telegraph retrace la fascination d’Hollywood pour les décors romantiques de Paris.
  • Problématique
  • Annonce du plan
     



le rêve parisien, un plan




Synthèse : Le rêve parisien (1)

La ville lumière, le paradis (eldorado et merveilleux), "l’immense pays des félicités et des passions", les bateaux-mouche
>    1770 /2013
>    Un monument symbolique mentionné dans 3 documents
>    Les organisateurs de l’exposition "Paris la nuit", Eleonore Yameogo et ses témoins, Emma Bovary, les touristes du bateau-mouche...


PLAN D'ENSEMBLE

I.Un mythe actif et actuel

1, ancré dans les réalités historiques, sociales et géographiques des trois derniers siècles
2, un vrai moteur de transformations sociales individuelles et collectives
3, mis en scène par les artistes et instrumentalisé par la publicité

II. Un mythe universel

1, le rêve du luxe et de la consommation
2, le rêve de la fête et de la bohème
3, incarné par un monument symbolique, la Tour Eiffel

III. Les limites du rêve parisien

1, une idéalisation naïve
2, une désillusion provoquée par la confrontation avec la réalité
3, le rejet et la violence

mardi 22 octobre 2013

cette part de rêve.... en 10 essais

CGE
sessions 2014-2015 « cette part de rêve… »
les mots et les images du bts


10 sujets d'essai



1, Faut-il réaliser ses rêves pour être heureux ?

2, Nos rêves nous appartiennent-ils vraiment ?

3, « Chacun songe en veillant, il n'est rien de plus doux »

4, Le rêve est-il une fuite ?

5, Rêver sa vie, réussir sa vie ?

6, Dans quelle mesure le rêve est-il libérateur ?

7, « Chaque époque probablement rêve aussi aux époques suivantes »

8,  Dans quelle mesure la publicité exploite-elle la part de rêve qui en en chacun de nous ? 

9, En quoi le rêve éveillé peut-il nourrir la création ?

10, Le rêve d'un monde meilleur fait-il progresser la société ?

dimanche 25 août 2013

rêver : l'être et l'avoir (2)

Ingmar Bergman, Rêves de Femmes, 1955.

rêver : l'être et l'avoir (1)




O. Preminger, L'Homme au bras d'or, 1955.

une grand rêveuse comique


LA LAITIÈRE ET LE POT AU LAIT

Perrette, sur sa tête ayant un Pot au lait
            Bien posé sur un coussinet,
Prétendait (1) arriver sans encombre à la ville.
Légère et court vêtue elle allait à grands pas ;
Ayant mis ce jour-là pour être plus agile
            Cotillon (2) simple, et souliers plats.
            Notre Laitière ainsi troussée
            Comptait déjà dans sa pensée
Tout le prix de son lait, en employait l’argent,
Achetait un cent d’ œufs, faisait triple couvée ;
La chose allait à bien par son soin diligent.(3)
            Il m’est, disait-elle, facile
D’élever des poulets autour de ma maison :
            Le Renard sera bien habile,
S’il ne m’en laisse assez pour avoir un cochon.
Le porc à s’engraisser coûtera peu de son ;
Il était quand je l’eus de grosseur raisonnable ;
J’aurai le revendant de l’argent bel et bon ;
Et qui m’empêchera de mettre en notre étable,
Vu le prix dont il (4) est, une vache et son veau,
Que je verrai sauter au milieu du troupeau ?
Perrette là-dessus saute aussi, transportée.
Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée ;
La Dame de ces biens, quittant d’un oeil marri
            Sa fortune ainsi répandue,
            Va s’excuser à son mari
            En grand danger d’être battue.
            Le récit en farce (5) en fut fait ;
            On l' appela le Pot au lait.
            Quel esprit ne bat la campagne ?
            Qui ne fait châteaux en Espagne ?
Picrochole, Pyrrhus (6), la Laitière, enfin tous,
            Autant les sages que les fous ?
Chacun songe en veillant, il n’est rien de plus doux :
Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes :
            Tout le bien du monde est à nous,
            Tous les honneurs, toutes les femmes.
Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi ;
Je m écarte (7), je vais détrôner le Sophi (8) ;
            On m’élit Roi, mon peuple m’aime ;
Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant :
Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même ;
            Je suis gros Jean (9) comme devant.

La Fontaine, Fables, livre 7, fable 9, 1678.

une grande rêveuse tragique (2)




Emma ne dormait pas, elle faisait semblant d'être endormie ; et, tandis qu'il s'assoupissait à ses côtés, elle se réveillait en d'autres rêves. 

Au galop de quatre chevaux, elle était emportée depuis huit jours vers un pays nouveau, d'où ils ne reviendraient plus. Ils allaient, ils allaient, les bras enlacés, sans parler. Souvent, du haut d'une montagne, ils apercevaient tout à coup quelque cité splendide avec des dômes, des ponts, des navires, des forêts de citronniers et des cathédrales de marbre blanc, dont les clochers aigus portaient des nids de cigognes. On marchait au pas, à cause des grandes dalles, et il y avait par terre des bouquets de fleurs que vous offraient des femmes habillées en corset rouge. On entendait sonner des cloches, hennir les mulets, avec le murmure des guitares et le bruit des fontaines, dont la vapeur s'envolant rafraîchissait des tas de fruits, disposés en pyramide au pied des statues pâles, qui souriaient sous les jets d'eau. Et puis ils arrivaient, un soir, dans un village de pêcheurs, où des filets bruns séchaient au vent, le long de la falaise et des cabanes. C'est là qu'ils s'arrêteraient pour vivre ; ils habiteraient une maison basse, à toit plat, ombragée d'un palmier, au fond d'un golfe, au bord de la mer. Ils se promèneraient en gondole, ils se balanceraient en hamac ; et leur existence serait facile et large comme leurs vêtements de soie, toute chaude et étoilée comme les nuits douces qu'ils contempleraient. Cependant, sur l'immensité de cet avenir qu'elle se faisait apparaître, rien de particulier ne surgissait ; les jours, tous magnifiques, se ressemblaient comme des flots ; et cela se balançait à l'horizon, infini, harmonieux, bleuâtre et couvert de soleil. Mais l'enfant se mettait à tousser dans son berceau, ou bien Bovary ronflait plus fort, et Emma ne s'endormait que le matin, quand l'aube blanchissait les carreaux et que déjà le petit Justin, sur la place, ouvrait les auvents de la pharmacie.

G. Flaubert, Madame Bovary, chapitre 12, 1857




une grande rêveuse tragique (1)


G. Flaubert, Madame Bovary, chapitre 9, 1857


Elle était à Tostes. Lui, il était à Paris, maintenant ; là-bas ! Comment était ce Paris ? Quel nom démesuré ! Elle se le répétait à demi-voix, pour se faire plaisir ; il sonnait à ses oreilles comme un bourdon de cathédrale, il flamboyait à ses yeux jusque sur l’étiquette de ses pots de pommade.

La nuit, quand les mareyeurs, dans leurs charrettes, passaient sous ses fenêtres en chantant la Marjolaine, elle s’éveillait, et écoutant le bruit des roues ferrées, qui, à la sortie du pays, s’amortissait vite sur la terre :
– Ils y seront demain ! se disait-elle.

Et elle les suivait dans sa pensée, montant et descendant les côtes, traversant les villages, filant sur la grande route à la clarté des étoiles. Au bout d’une distance indéterminée, il se trouvait toujours une place confuse où expirait son rêve.

Elle s’acheta un plan de Paris, et, du bout de son doigt, sur la carte, elle faisait des courses dans la capitale. Elle remontait les boulevards, s’arrêtant à chaque angle, entre les lignes des rues, devant les carrés blancs qui figurent les maisons. Les yeux fatigués à la fin, elle fermait ses paupières, et elle voyait dans les ténèbres se tordre au vent des becs de gaz, avec des marche-pieds de calèches, qui se déployaient à grand fracas devant le péristyle des théâtres.

Elle s’abonna à la Corbeille, journal des femmes, et au Sylphe des salons. Elle dévorait, sans en rien passer, tous les comptes rendus de premières représentations, de courses et de soirées, s’intéressait au début d’une chanteuse, à l’ouverture d’un magasin. Elle savait les modes nouvelles, l’adresse des bons tailleurs, les jours de Bois ou d’Opéra. Elle étudia, dans Eugène Sue, des descriptions d’ameublements ; elle lut Balzac et George Sand, y cherchant des assouvissements imaginaires pour ses convoitises personnelles. À table même, elle apportait son livre, et elle tournait les feuillets, pendant que Charles mangeait en lui parlant. Le souvenir du Vicomte revenait toujours dans ses lectures. Entre lui et les personnages inventés, elle établissait des rapprochements. Mais le cercle dont il était le centre peu à peu s’élargit autour de lui, et cette auréole qu’il avait, s’écartant de sa figure, s’étala plus au loin, pour illuminer d’autres rêves.

Paris, plus vague que l’Océan, miroitait donc aux yeux d’Emma dans une atmosphère vermeille. La vie nombreuse qui s’agitait en ce tumulte y était cependant divisée par parties, classée en tableaux distincts. Emma n’en apercevait que deux ou trois qui lui cachaient tous les autres, et représentaient à eux seuls l’humanité complète. Le monde des ambassadeurs marchait sur des parquets luisants, dans des salons lambrissés de miroirs, autour de tables ovales couvertes d’un tapis de velours à crépines d’or. Il y avait là des robes à queue, de grands mystères, des angoisses dissimulées sous des sourires. Venait ensuite la société des duchesses ; on y était pâle ; on se levait à quatre heures ; les femmes, pauvres anges ! portaient du point d’Angleterre au bas de leur jupon, et les hommes, capacités méconnues sous des dehors futiles, crevaient leurs chevaux par partie de plaisir, allaient passer à Bade la saison d’été, et, vers la quarantaine enfin, épousaient des héritières. Dans les cabinets de restaurant où l’on soupe après minuit riait, à la clarté des bougies, la foule bigarrée des gens de lettres et des actrices. Ils étaient, ceux-là, prodigues comme des rois, pleins d’ambitions idéales et de délires fantastiques. C’était une existence au-dessus des autres, entre ciel et terre, dans les orages, quelque chose de sublime. Quant au reste du monde, il était perdu, sans place précise, et comme n’existant pas. Plus les choses, d’ailleurs, étaient voisines, plus sa pensée s’en détournait. Tout ce qui l’entourait immédiatement, campagne ennuyeuse, petits bourgeois imbéciles, médiocrité de l’existence, lui semblait une exception dans le monde, un hasard particulier où elle se trouvait prise, tandis qu’au delà s’étendait à perte de vue l’immense pays des félicités et des passions. Elle confondait, dans son désir, les sensualités du luxe avec les joies du cœur, l’élégance des habitudes et les délicatesses du sentiment. Ne fallait-il pas à l’amour, comme aux plantes indiennes, des terrains préparés, une température particulière ? Les soupirs au clair de lune, les longues étreintes, les larmes qui coulent sur les mains qu’on abandonne, toutes les fièvres de la chair et les langueurs de la tendresse ne se séparaient donc pas du balcon des grands châteaux qui sont pleins de loisirs, d’un boudoir à stores de soie avec un tapis bien épais, des jardinières remplies, un lit monté sur une estrade, ni du scintillement des pierres précieuses et des aiguillettes de la livrée.

cette part de rêve que chacun porte en soi...


Problématique

 Le rêve se définit spontanément par opposition à la réalité (1). 
Il est généralement tenu pour une parenthèse de la conscience, une phase particulière du sommeil (2).
 Mais il renvoie aussi à la représentation idéale de ce que chacun désire et voudrait peut-être réaliser (3)        > définition.

La part de rêve que chacun porte en soi semble pouvoir libérer de réalités douloureuses, monotones ou ennuyeuses et aider ainsi à orienter autrement sa vie, à la redessiner dans un ailleurs et un futur plus ou moins proches. Le rêve stimule l'individu qui ne se satisfait pas de ce qu'il est et de ce qu'il a. Il élargit les possibles (> fonctions).


 Multiples sont les éveilleurs de rêves (lieux, objets, personnes, sensations, etc.
                                          > approche thématique.
 Les œuvres d'imagination sont aussi propices à la rêverie, elles permettent de se transporter dans d'autres espaces, d'autres époques, d'autres personnages. 

Cependant, le rêve risque de couper du réel et d'amener à ne vivre que de chimères ou de fantasmes qui empêchent d'agir dans le monde et de mener sa vie. En ce sens, il est parfois dénigré comme perte de temps, fuite des responsabilités

Quelle part de rêve préserver dans un monde soumis à l'efficacité et à la rentabilité immédiates ?  (I)               > approche dialectique


 C'est tout autant l'être que l'avoir qui sont concernés par le rêve : rêves d'objets de consommation, rêves de luxe, rêves de ce que les nouvelles technologies autorisent, rêves d'une identité autre, plus belle, plus forte, plus grande. Ces aspirations induisent un idéal porté par le rêve, facteur d'élévation et de sublimation de chacun, force de création et d'innovation. Cet idéal n'est cependant pas le même pour tous. Tel individu ne pourra-t-il pas trouver médiocre ce que tel autre pense être à sa mesure ? (II) 
                                           > approche dialectique et relativiste

 Quelle est la part intime et vraiment personnelle de ce rêve qui nous porte ? (III)
Partagé par un groupe ou par l'ensemble d'une société, le rêve peut devenir utopie et donner à chacun comme à tous des raisons de vivre et d'espérer. Mais l'optimisme utopique ne risque-t-il pas de porter atteinte à la part de rêve et de liberté que chacun porte au plus profond de soi ? 
                                         > approche critique et historique...


jeudi 13 juin 2013

la révolution numérique en 20 notions ?


CGE / sessions 2013 & 2014
Paroles, échanges, conversations et révolution numérique
les mots et les images du BTS

notions
test / juin 2013



1 - Web 2. 0
2 - fact-checkers
3 - data journalism
4 - numératie / littératie
5 - pure player
6 - économie de l'attention
7 - hacktiviste
8 - infobésité
9 - neutralité de l'internet
10 - nétiquette
11 - auto-régulation
12 - gouvernance
13 - technophile / technophobe
14 - troll
15 - wiki
16 – sérendipité
17 – paradigme
18 - hétéronymat
19 - e-réputation
20 – village global

> 10 questions transversales seront posées sur ces 20 notions

+n'oubliez pas l'essai : « et si la révolution numérique n'était qu'un slogan ? »

mercredi 20 mars 2013

révolution numérique et "panique morale" : une introduction pour la synthèse


SYNTHESE / REVOLUTION NUMERIQUE ET PANIQUE MORALE

EXEMPLE DE REDACTION DE L’INTRODUCTION Version préparée

Slogan, thème d’étude pour les sociologues contemporains ou réalité qui s’impose à tous (=accroche), la révolution numérique peut être décrite comme

le processus qui bouleverse, transgresse, subvertit et parfois dépasse / transcende les dichotomies classiques de la communication : écrit/oral, privé/public, proximité/distance, etc. (= définition)

Ce processus suscite des réactions très variées, à tel point que des spécialistes américains cités récemment par Internet Actu (= le dossier, ses sources, la précision de la référence

évoquent une « panique morale » (= le titre du dossier, son centre, la notion principale).

Il convient donc d’en préciser la portée et de la rationaliser (= analyse et problématisation) comme l’annonce Xavier de la Porte, l’animateur de ce site (= le document de référence). 

Ses effets s’observent dans le monde des médias et le cercle familial caricaturés par le dessinateur Bastien Vivés, mais également en pleine cour d’assises, où deux magistrats très impliqués dans la communication numérique échangeant des tweets sarcastiques ont été démasqués et dénoncés par un journaliste se revendiquant technophobe. (= préciser les points de vue et les statuts)

Ce clivage entre technophobes et technophiles, analysé par F. B. Huyghe dans son blog consacré à la médiologie sera d’ailleurs le fil conducteur de cette synthèse. 

Ainsi, après avoir précisé les points de vue des deux camps (= 1ere & 2eme partie), nous verrons dans quelle mesure cette « panique morale » est justifiée (= 3eme partie) (= annonce de plan).

  • Un plan dialectique

  • Une opposition manichéenne

  • Comment la dépasser ?

  • Le dossier est hiérarchisé ; les sources sont mises en perspective

mercredi 27 février 2013

révolution numérique : l'éducation en question ? Un vieux projet...

La pédagogie en l'an 2000, telle qu'on la rêvait en 1900...

une "panique morale" ? "la folie sur Twitter..." (Bastien Vivès)



une "panique morale" ? un effort de rationalisation


18 janvier 2013 
              
Les règles de la panique morale technologique

La lecture de la semaine provient du magazine américain Wired (@wired) et de son chroniqueur Clive Thomson (@pomeranian99). Son titre, "les règles de la panique".

"Quiconque s'intéresse à l'actualité le sait, commence Thompson, il y a souvent un effet collatéral aux nouvelles technologies : la panique morale. Facebook engendre le narcissisme ! Ecrire des textos nous rend analphabètes. Ce qui est drôle, c'est que d'autres technologies ne provoquent rien de cet ordre. Prenez Square, par exemple, qui permet à chacun de payer par carte de crédit... Il est en train de devenir un outil mainstream, bouleverse le fonctionnement du petit commerce et la manière dont des amis partagent une addition dans un bar, mais ne provoque pas grand discours. Quelle différence ? Pourquoi certaines technologies nous font-elles peur et pourquoi d'autres provoquent-elles l'indifférence ?

Genevieve Bell (Wikipédia) pense avoir la réponse. Elle est directrice de recherche chez Intel et étudie depuis longtemps la manière dont les gens intègrent les nouvelles technologies dans leur vie quotidienne. Dans un entretien donné en 2011 au blog techno du Wall Street Journal, elle a proposé une théorie intéressante. Pour provoquer une panique morale, une technologie doit obéir à trois règles.

1. Elle doit changer notre rapport au temps.
2. Elle doit changer notre rapport à l'espace.
3. Elle doit changer notre relation aux autres.

Prises une à une, ces transformations peuvent être inquiétantes, mais  si les trois sont réunies, c'est la  panique !

"Combien de fois avons-nous entendu dire que c'était la fin de petite ville américaine, que c'était la fin de la famille, que la jeunesse  d'aujourd'hui  avait changé ?" demande  Bell. Le cycle est très long. Et il a sans doute débuté il y a environ 2 500 ans, quand le monde de l'écrit a commencé à décrocher la connaissance de l'espace  et du temps et a offert d'autres possibilités pour les gens de s'adresser les uns aux autres. Cela satisfaisait  aux trois règles précédemment citées et paniqua donc Socrate, qui s'inquiéta de ce que l'écrit allait détruire la mémoire et l'art de l'argumentation. Mais Socrate n'avait rien vu. Car les 100 années qui viennent de s'écouler ont été un flux presque continu d'innovations et de moments de panique. Prenez le téléphone, qui nous a soudain permis de joindre presque tout le monde, partout, à n'importe quel moment. Comme une annonce aux peurs déclenchées par les médias sociaux d'aujourd'hui, des experts ont prédit à l'époque que le téléphone tuerait la communication en face à face. Mark Twain se moquait de la prétendue frivolité des conversations téléphoniques entre femmes (à propos des femmes, précise Thompson , Genevieve Bell explique qu'on peut-être sûr qu'une panique morale va se déclencher quand les critiques commencent à s'inquiéter de l'impact d'une technologie sur les femmes et la fragile jeunesse).

Mais les technologies qui n'affectaient pas ces trois choses n'ont guère déclenché de protestation. Le fax par exemple. Il a affecté l'espace et le temps, mais pas les relations sociales. Et je pense, dit Thompson , qu'il a va de même pour Square. Cela dit, ajoute Thompson, cela ne revient pas à dire que les paniques sont toujours injustifiées. Des réseaux sociaux centralisés sont un vrai problème en termes de vie privée ; la cyberprédation, même rare, existe. Mais le vrai problème de ceux qui répandent la panique est leur conviction que toute ère technologique révolue était l'âge d'or de la civilité et de la contemplation. Or, c'est faux. Et de façon très marrante, beaucoup aujourd'hui chantent les louanges d'outils qu'ils dénonçaient naguère - comme cette plainte contemporaine que l'internet tue cette interaction tellement pleine d'émotion qu'était le coup de téléphone.

Voici la part utile de tout ça : on peut se servir des lois de Bell pour déduire quels outils vont provoquer l'angoisse. Par exemple, dit Thompson, je fais l'hypothèse que la géolocalisation, la lecture sociale et l'Internet des objets - des objets qui vont interagir avec nous et entre eux -, provoqueront tous des effets de panique. Ils affectent notre rapport au temps, à l'espace et à autrui. Ils arrivent même à me stresser un peu, quand j'imagine comment gouvernement et entreprise pourraient en abuser. Mais je me calme en étant convaincu  que, comme toutes les Cassandre du passé,  j'ai tort de paniquer."

Xavier de la Porte