jeudi 13 décembre 2012

"l'infobésité, vrai ou faux problème ?" : un exemple de rédaction de la synthèse



« L’infobésité », vrai ou faux problème ? 

Synthèse / exemple de rédaction
version sans introduction

Ce dossier nous propose une définition claire et consensuelle de l’infobésité, ce néologisme traduit (ou adapté) de l’anglais ‘information overload’. Elle s’appuie sur les travaux et les explications de sociologues et experts du monde du travail, comme C. S. R. pour qui elle représente une « pathologie de la surcharge informationnelle ». 

Par l’emploi de ce terme péjoratif on entend ainsi dénoncer la « profusion » d’information de l’ère numérique, alimentée par l’abondance des moyens de connexion, que ce soit dans le monde de l’entreprise, sujet de prédilection du magazine L’Expansion et du site Cadremploi, ou dans la vie quotidienne, du moins celle des américains étudiés par 3 chercheurs . Cette surcharge d’informations, difficile à hiérarchiser et à digérer, était toutefois déjà observée, toutes choses égales par ailleurs, au tournant des 17eme et 18eme siècle, comme le fait remarquer la critique littéraire Cynthia Haven.

L’infobésité contemporaine est liée à la vitesse des communications et au besoin de réactivité ; C.S.R. insiste sur le « flot continu » d’information qui submerge les entreprises ; toute prise de distance semble impossible ; de même, au 18eme siècle, les différences entre sphère privée et sphère publique semblent brouillées, créant de vrais scandales.

L’infobésité apparaît ainsi comme un vrai problème, qualifié de « fléau » par L’Expansion, de « plaie » par le blogueur X. de la Porte, de « dictature » par M.R. et E.B., voire de « tyrannie » par le sociologue D. Wolton , qui dénoncent des usages professionnels compulsifs, une fascination maladive de l’accès immédiat, voire des addictions, selon la formule de T. V . A.S.J. le rejoint sur ce point, citant les 1120 lettres de madame de Sévigné et surtout les rues de Paris  « jonchées » de libelles et de billets. « Nervosité sociale » d’alors et angoisse contemporaine semblent ainsi se rejoindre. 

Les causes profondes de cette pathologie sociale sont cependant plus complexes, et en font un problème difficile à résoudre. 

La profusion d'information répond en effet à une demande et aux contraintes des organisations : T.V. distingue ainsi le « mail parapluie », qui protège, et le « mail visibilité », source de reconnaissance voire de prestige. Le recul de l'histoire nous montre que la multiplication des informations est aussi un outil d'influence puissant dans une société dynamique et plus ouverte.

De plus, « l'impuissance », voire le « vertige » de l'infobésité sont dûs à la nature double de ce flux d'information : nous en sommes à la fois émetteurs et récepteurs, comme le précise C.S.R. ; bourreaux et victimes, selon les anecdotes mentionnées par TV. D.E. rappelle bien qu'au 18eme siècle, comme aujourd'hui, il n'est pas nécessaire d'avoir beaucoup à raconter pour alimenter un « flux » continu d'information. Les analogies entre les époques suggèrent que l'infobésité n'est peut-être pas un véritable problème.

Cette notion stigmatisante a aussi l'avantage de nous alerter sur des dérives de la communication, sans pour autant céder à une « dramatisation » excessive.

Quelques acteurs du monde du travail, tel l'ORSE, relayés par des entreprises comme Edf, Casino, la Société Générale proposent des chartes et de règles. Des changements d'organisation permettant de valoriser le face-à-face sont aussi préconisés. Relevons aussi des initiatives symboliques, telle la « journée sans mail » de Canon. 

Gérer l'infobésité sans la dramatiser, ce serait aussi une affaire de compétence , comme le montre l'étude des chercheurs de la NWU. Le scepticisme quant à l'autorégulation de nos comportements est cependant partagé par les auteurs de ce dossier.

Enfin, aujourd'hui comme au 18eme siècle, il y aurait bien des raisons de se réjouir de cette profusion d'information et de cette facilité de circulation. La multiplication des choix suscite une ouverture culturelle et un nouvel esprit critique, dans l'esprit des Lumières. Les américains évoqués dans l'article du Figaro sont « plutôt satisfaits » de cette évolution ; une nouvelle « conscience de soi », plus spontanée et plus ouverte et plus citoyenne peut émerger. 

Toutes les sources convergent sur ce point : se poser la question de l'infobésité, c'est déjà se donner les moyens d'y répondre, afin que le paradigme de la communication numérique devienne celui d'une nouvelle conscience collective, plus transparente et plus réflexive.




l'infobésité (4)



Les nouveaux médias sociaux ne sont peut-être pas si nouveaux que ça


"L'infobésité", l'une des plaies de l'internet, est-elle propre au réseau ?

La lecture de la semaine, il s'agit d'un post du blog que Cynthia Haven, critique littéraire, tient sur le site de l'université de Stanford, en Californie. Le titre du post : "Les nouveaux médias sociaux ne sont peut-être pas si nouveaux que ça". "Si vous vous sentez submergés par les médias sociaux", commence Cynthia Haven, "sachez que vous n'êtes pas les premiers dans l'Histoire. Une avalanche de nouvelles formes de communication s'est abattue aussi sur les Européens des 17e et 18e siècles ».

"Le 17e siècle a vu la conversation exploser", explique Anaïs Saint-Jude, directrice du programme BiblioTech de Stanford, "c'était la version moderne de la surcharge d'information". La révolution copernicienne, l'invention de l'imprimerie, l'exploration du Nouveau-Monde... tout cela devait être digéré au fur et à mesure que cela se produisait. Et le service public des postes a été pour nos ancêtres l'équivalent de ce que sont pour nous Facebook, Twitter, Google + et les smartphones. Des lettres par milliers traversaient Paris chaque jour. Voltaire en écrivait entre 10 et 15 dans la journée. Racine se plaignait de ne pas pouvoir suivre le rythme du courrier qui lui arrivait. Sa boite était pleine, dirait-on aujourd'hui.

Que ces gens se racontaient-ils ? Eh bien, pas forcément grand-chose. Un peu comme dans les mails d'aujourd'hui. "C'était l'équivalent d'un coup de fil, pour inviter quelqu'un à dîner ou lui dire mon Dieu, vous saviez ce qui est arrivé au Duc ?", explique Dan Edelstein, un des directeurs du projet Mapping the Republic of Letters de Stanford. Quelque chose avait changé à cette époque : les services de la poste commerciale étaient en plein essor. Ils existaient depuis des siècles, certes, mais avaient d'abord servi à l'Etat, puis (grâce aux Médicis notamment), aux commerçants et aux banquiers. Soudain, ils se sont mis à transporter les correspondances privées. Plus de gens écrivaient, et plus de gens pouvaient répondre rapidement, pas seulement à leurs amis et leur famille, mais, à travers de longues distances, à des gens qu'ils n'avaient jamais rencontrés et ne rencontreraient jamais. Un peu comme certains de nos amis Facebook.
Selon Anaïs Saint-Jude, ce fut une époque, comme la nôtre, d'"hyper-écriture", et même d'addiction à l'écriture. Madame de Sévigné a écrit 1120 lettres à sa fille qui vivait en Bretagne, entre 1670 et sa mort en 1696. A cette époque, les rues de Paris étaient jonchées de morceaux de papier : les billets (ou libelles) sur lesquels quelques phrases scabreuses ou politiquement diffamatoires étaient jetées au public. Ca ne vous fait pas penser à Twitter ? demande Haven.

Ces petits morceaux de papier dans votre poche pouvaient vous attirer de gros problèmes. Voltaire a été jeté en prison à cause d'un de ces billets. Néanmoins, ces affichettes anonymes permettaient de contourner la censure et elles étaient aussi un moyen d'organiser des manifestations. Comme dans les révolutions arabes, note Edelstein.

Qu'est-ce qui est public ? Qu'est-ce qui est privé ? Autre question que l'on s'est posée à l'époque. Plus de correspondance signifiait que des lettres pouvaient tomber dans de mauvaises mains. Les Liaisons dangereuses, le roman épistolaire de Laclos, ont montré les dangers et disgrâces encourues par les auteurs d'une correspondance rebelle. A notre époque, est-il nécessaire de rappeler le triste sort d'Anthony Weiner (le représentant démocrate obligé de démissionner après avoir envoyé à tous ses followers des photos suggestives à la suite d'une mauvaise manipulation) ?

Au même moment encore naissait le journalisme moderne, via un précurseur du blog. Les nobles, comme le Cardinal Mazarin, embauchaient leurs propres journalistes pour rapporter ce que la ville comptait de scandales et d'histoires de sexe. Ces plumitifs installaient des bureaux dans tout Paris pour recueillir les nouvelles les plus savoureuses, ils les écrivaient, les recopiaient et les distribuaient à des souscripteurs. Les revues littéraires et les journaux ont bientôt fleuri, avec tout un nouvel environnement de critique littéraire et culturelle. Sans parler des affiches, placardées dans les rues, invitant à des événements de plus en plus ouverts au public.

Les nouveaux espaces que nous avons créés à notre époque sont virtuels, pas physiques. Mais les espaces physiques du 17e siècle et des Lumières ont aussi causé des perturbations psychologiques - l'Académie française, l'Académie des sciences, les Salons. Ces groupes de gens qui se réunissaient pour discuter de littérature, de découvertes, d'idées, de révolution ou simplement pour assister à un spectacle, étaient un changement par rapport au public soigneusement choisi de la Cour, où l'essentiel du travail consistait à flatter les puissants. Ces nouveaux espaces ont posé de nouvelles questions : comment s'y conduire ? Comment y apparaître aux yeux des autres? Soigner son apparence publique y est devenu vital. Quel en fut le résultat ? Une nouvelle conscience de soi est née, et aussi une nouvelle nervosité sociale. Les acteurs de l'époque se posaient les mêmes questions que nous nous posons aujourd'hui, dit Anaïs Saint-Jude : "comment organiser toute cette information ?"
« Restons calmes, conclut-elle, nous sommes en bonne compagnie. Rien de nouveau sous le soleil."
Xavier de la Porte

l'infobésité (3)

Les Américains ne souffrent pas d'infobésité

Par Marie-Catherine Beuth le 4 septembre 2012, Le Figaro

Plusieurs centaines de chaînes de télévisions, des kiosques qui débordent de magazines, des distributeurs de journaux payants ou gratuits tous les 100 mètres, sans oublier les milliers de sites d'informations et blogs plus ou moins spécialisés qui abondent sur Internet... Cette profusion réjouit les Américains plutôt que de leur donner le vertige, affirme une récente étude menée à la Northwestern University (NWU) et publiée dans le journal Information Society.

Selon celle-ci, l'abondance d'informations donnerait l'impression aux Américains d'avoir "
plus de pouvoir" et de choix, ce qui les rend plutôt "enthousiastes" qu'angoissés par l'idée d'être dépassés. De même, contrairement à ce que redoutent nombre d'observateurs, les sondés n'auraient pas tendance à rester confinés à des espaces où ils trouvent des gens qui pensent comme eux. Ce sont les conclusions tirées de l'observation de 77 Américains réunis dans 7 groupes de discussions par trois chercheurs de NWU. "Les gens sont capables d'obtenir leurs informations d'un ensemble varié de sources et qu'ils sont plutôt satisfaits d'avoir ce choix", estime Eszter Hargittai, l'auteur de l'étude.

Les "infogloutons" sondés par les chercheurs de NWU ont précisé que la télévision était leur média de prédilection (en volume), suivi de près par Internet. Les informations trouvées sur le Web bénéficiaient d'un
a priori plus favorable que l'information télévisée. Enfin, ceux qui se sont dit débordés par l'information pléthorique actuelle étaient souvent ceux qui étaient moins agiles sur Internet et les réseaux sociaux.  

Sur le fond, cette prétendue soif d'informations et d'abondance (vive le déclaratif !) laisse toutefois songeur... En effet,
que reste-t-il de la consommation de toutes les nouvelles que ces Américains se réjouissent de pouvoir consulter ? On peut se poser la question, quand une autre récente étude affirmait que  51% des Américains pensent que le cloud computing est une affaire de météo...



Infobésité : vers un encadrement du mail professionnel ?

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C’est la tendance qui fait bûcher les chercheurs préposés à la question de la santé des salariés : l’ « infobésité », ou la surcharge d’informations subie par les salariés désormais connectés en continu, demeure pourtant négligée dans les entreprises.
Dernière du genre, une étude du fournisseur de solutions web Sciforma a ainsi établi que 84% des Français se disent perturbés par leurs messageries, leur téléphone portable et les réseaux sociaux. En outre, selon l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises, plus de la moitié des salariés passeraient plus de deux heures par jour à gérer leurs mails.
Pourtant, alors que la gestion du stress est affichée comme l’une des grandes priorités sociales des entreprises, aucun des 184 RH interrogés dans le cadre de l’étude Santé au travail, publiée ce 28 août par CSP Formation, n’a prévu d’encadrer l’utilisation des mails pro dans l’année à venir. L’organisme de formation rapporte que, pour 70 % des responsables interrogés, la réglementation demeure le « facteur déclencheur » de toute action d’envergure dans le domaine de la santé au travail.
Est-ce à dire que l’utilisation du mail pro’ devrait être réglementée dans les open space ? C’est l’avis d’un certain nombre de chercheurs. « Il faut des règles », a ainsi déclaré Thierry Venin, chercheur au CNRS, interrogé par l’AFP. Les salariés sont « à la fois les premières victimes de cette surcharge, mais aussi les principaux acteurs » du problème, a renchéri Caroline Sauvajol-Rialland, maître de conférences à l'Université Catholique de Louvain et à Sciences Po Paris, insistant ainsi sur l’importance de faire évoluer les modes de travail au sein des entreprises. Or, pour l’instant, les initiatives allant en ce sens sont bien rares et plutôt symboliques.  Celles prises par EDF, la Société générale ou le groupe Casino, consistent à conseiller aux salariés de « préférer le face à face au mail ». Canon France est allée un peu plus loin : une fois par trimestre, ses 1 800 employés sont incités à une journée sans mail pour privilégier les échanges.
Et vous, ressentez vous ce que certains appellent la « dictature du mail » ?
Marine Relinger & Elodie Buzaud © Cadremploi.fr, 31 / 8/ 2012

l'infobésité, vrai ou faux problème ? (2)


L'"infobésité", le nouveau fléau de l'entreprise

Vous ne parvenez plus à absorber les messages qui inondent votre boîte mail ? A hiérarchiser et traiter le flux d'informations ? Vous souffrez sans doute d'"infobésité", comme de plus en plus de salariés. Traduction de l'anglais "information overload", l'"infobésité" se définit comme "la pathologie de la surcharge informationnelle", explique à l'AFP Caroline Sauvajol-Rialland, maître de conférence à l'Université Catholique de Louvain et à Sciences Po Paris. 
 
Principal responsable, le courrier électronique devenu l'outil de travail et de communication dominant en entreprise. "C'est une vrai souffrance. Cela met les personnes en situation d'angoisse constante, d'inquiétude, de frustration parce qu'elles n'arrivent pas à suivre ce flot continu, qui, du coup, entraîne un sentiment d'impuissance et un fort stress", assure la chercheuse. "Nous sommes à la fois des récepteurs et des utilisateurs d'information, mais également des émetteurs d'information, donc à la fois les premières victimes de cette surcharge, mais aussi les principaux acteurs", relève-t-elle. A titre d'exemple, elle cite deux formes de mail en pleine expansion: "le mail parapluie, je me protège, et le mail de visibilité, je suis le plus beau, le plus fort et j'ai obtenu cela". Chercheur au CNRS, Thierry Venin observe que "l'urgence succède à l'urgence". "Dès qu'on a reçu un mail, il faut y répondre sinon celui qui vous l'a adressé vous appelle en vous disant tu n'as pas reçu mon mail ? ». Une minute de libre? Vite, un coup d'oeil sur la messagerie ! Il y a aussi un côté addictif", prévient-il. 
 
Dans une enquête sur le stress au travail, réalisée pour la CFE-CGC, plus de 80% des personnes interrogées estiment que les outils électroniques accroissent les informations à traiter et imposent des temps de réponse toujours plus courts. Neuf cadres sur dix estiment également qu'ils doivent travailler trop vite. Le fait d'être "fréquemment interrompu dans son travail" est le facteur de stress le plus important pour 74% des salariés. "Un cadre est interrompu dans une fourchette de temps entre 2 et 8 minutes. C'est presque la torture de la goutte d'eau", affirme Thierry Venin. Pour lui, l'entreprise fournit de plus en plus de moyens de connexion mais "lâche les gens sur l'autoroute de l'information sans aucun code de la route". Or, "il faut des règles". L'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (Orse) a publié fin 2011 une charte incitant les entreprises à mieux maîtriser la messagerie électronique qui "peut devenir un outil dévastateur". 
 
Conscients du problème, EDF, la Société générale et le groupe Casino conseillent par exemple de "préférer le face à face au mail". Chez Canon France, une fois par trimestre, les 1.800 collaborateurs sont incités à une journée sans mail afin de privilégier les échanges. Selon l'Orse, 56% des utilisateurs consacrent plus de deux heures par jour à la gestion de leur boîte mail et 38% reçoivent plus de 100 messages par jour. 65% déclarent vérifier leur messagerie toutes les heures mais le font en réalité bien plus souvent, parfois toutes les cinq minutes. 
 
Pour Dominique Wolton, directeur de l'Institut des sciences de la communication du CNRS, "l'information accessible est devenue une tyrannie: il y en a trop, accessible trop rapidement. "On a l'impression maintenant que toutes les décisions doivent être prises dans le quart d'heure. Dans les entreprises comme en politique, il y a une dramatisation de l'urgence, qui est extrêmement dangereuse", conclut le spécialiste des médias.

l'infobésité, vrai ou faux problème ? un corpus (1)

Synthèse

« L’infobésité, vrai ou faux problème ? »
  1. « L’infobésité, le nouveau fléau de l’entreprise », L’Expansion et AFP, 31/08/2012
  2. M. C. Breuth, « Les américains ne souffrent pas d’infobésité », Le Figaro, 4/9/2012.
  3. M. Relinger & E. Buzaud, « Infobésité : vers un encadrement du mail professionnel ? », Cadremploi.fr , 31/8/2012
  4. X. de la Porte, « Les nouveaux médias sociaux ne sont peut-être pas si nouveaux que ça », La républiques des lettres, 13/1/2012